Du devoir de loyauté des dirigeants


Cour de Cassation France, Paris

Cour de Cassation France, Paris (Photo credit: Wikipedia)

Le devoir de « loyauté » du dirigeant social ne cesse de s’étendre et de se renforcer. Il m’a semblé intéressant de partager avec vous cet article paru dans Les Echos sous la plume de Thierry MAREMBERT. Par manque de temps personnel je ne peux alimenter autant que souhaité ce blog..

« Le devoir de loyauté, ce principe ne figure dans aucun texte de loi. Il a donc fallu attendre la fin des années 1990 pour que, sous l’influence du droit anglo-saxon (droit de « common law », et notamment notion de « fiduciary duties »), la chambre commerciale de la Cour de cassation en définisse le principe.

La haute juridiction a d’abord consacré ce devoir de loyauté au bénéfice des associés (arrêt du 27 février 1996) et de la société (arrêt du 24 février 1998) sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Autrement dit, ce n’est pas le mandat social qui était la source de la responsabilité du dirigeant, mais les facilités que ses fonctions pouvaient lui procurer (par exemple, détournement de salariés déliés par lui de leur clause de non-concurrence, puis embauchés par lui dans une nouvelle société, ou débauchage de clients de la société dirigée par lui au profit d’une seconde société).

Mais cette logique fut abandonnée par un arrêt de principe rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 novembre 2011. Cette décision oppose d’abord la situation du dirigeant social à celle de l’associé. Selon l’arrêt, « sauf stipulation contraire, l’associé d’une société à responsabilité limitée n’est, en cette qualité, tenu ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de la société, ni d’informer celle-ci d’une telle activité, et doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux ». Ainsi, le simple associé répond d’actes de concurrence déloyaux sur le terrain du droit commun de la responsabilité civile.

« Obligation de fidélité »

Il en va désormais tout autrement du dirigeant social. Selon l’arrêt du 15 novembre 2011, pèse sur lui une « obligation de loyauté et de fidélité […] en raison de sa qualité de gérant [qui] lui interdit de négocier, en qualité de gérant d’une autre société, un marché dans le même domaine d’activité ». Par rapport à la situation antérieure, l’évolution est double : l’obligation de loyauté est désormais rattachée à la seule qualité de gérant, ce que confirme la référence à l’article L.223-22 du Code du commerce sur la responsabilité des gérants de société à responsabilité limitée. Le dirigeant ne doit plus seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyale ; il doit s’abstenir par principe de négocier des marchés pour le compte d’une autre société dont il serait également gérant !

En second lieu, à l’obligation de loyauté s’ajoute une obligation de fidélité qui ne pesait jusqu’à récemment que sur les salariés. Evoquée une première fois en 2002 dans un arrêt mineur, sa mise en avant dans ce nouvel arrêt ne peut que renforcer le devoir de loyauté des dirigeants, voire créer une certaine forme d’exclusivité au profit de la société, dont il restera à mesurer la portée exacte.

Menace sur le cumul

La Cour de cassation entendra-t-elle l’étendre au-delà des faits qui lui étaient soumis en 2011 ou voudra-t-elle en rester là : quid si le dirigeant ne négocie pas lui-même les marchés ? Quid s’il n’est pas dirigeant des deux sociétés ? Quid des administrateurs de sociétés, à mi-chemin entre la gestion et le contrôle ? Si elle devait annoncer une obligation d’exclusivité absolue, cette jurisprudence pourrait avoir une portée embarrassante dans les groupes de sociétés ou dans le « private equity », lorsque les mandataires sociaux sont en poste dans plusieurs filiales opérant dans des domaines proches. Le cumul de fonctions pourrait alors s’avérer impossible. »

Publicité
%d blogueurs aiment cette page :