En matière de santé, la transparence est devenu un sujet crucial.  Le terme est utilisé à toutes les sauces, pour ne pas dire à tous les principes actifs, et les textes se multiplient pour plus de transparence sur les conflits d’intérêts, les études cliniques, les relations entre industrie et professionnels de santé (vieux débat) et les patients (sujet déjà émergé et promis à un bel avenir).

La transparence, si elle est un concept assez récent en France, trouve son origine dans des procédures dites de Compliance anglo-saxonnes[1] plus connues sous le vocable de « sunshine Act » .. ce qui a donné  à la loi Bertrand de 2011 le surnom de  « sunshine Act à la francaise ».

 

J’implore au passage nos académiciens qui sont déjà à la lettre « Q » d’accélérer leurs travaux pour traduire le terme Compliance en français. Conformité ne plait pas du tout, Qualité se limite aux Bonnes Pratiques, Intégrité me sied assez…Transparence étant le contraire d’opaque, on ne sait pas trés bien si on doit voir quelque chose ou pas.. (pas satisfaisant).

 

La transparence, donc, à des conséquences importantes en terme de management (ou alors les entreprises n’ont pas compris le sens de l’histoire). Mais les responsables de la transparence sont multiples : Juridiques ou conformité pour la plupart de nos entreprises francaises, ou compliance officer pour les plus impliquées dans une culture anglo-saxonne.

Le compliance officer dépend directement du chef de l’entreprise et l’alerte sur tout dysfonctionnement. Le droit d’alerte au sein meme d’une entreprise est exercé auprés de lui par exemple.

Il ne dépend donc de personne et parle directement à Dieu.

Mais en France, historiquement il y a une autre personne qui ne depend de personne.. le Pharmacien responsable.

Il ne faut pas oublier le role pivot, historique, fondamental du pharmacien responsable. C’est lui qui selon les textes du Code de la Santé publique est l’interlocuteur de l’ANSM, c’est lui qui est responsable sur ses biens personnels de la bonne marche de l’établissement pharmaceutique. Pour ce faire, il doit etre mandataire social et a ce titre, il libère les lots, s’assure de la qualité, etc… quelque soit les contraintes industrielles au sens économiques du terme. il a le droit de go ou de no-go sur les lots, le devoir de les rappeler etc…

Alors, vous vous en doutez,  si vous n’êtes pas dans l’industrie pharmaceutique, le pharmacien responsable est certes toujours mandataire social mais l’entreprise est possédée dans la plupart du temps par des actionnaires qui entendent bien avoir un retour sur investissement. Le pharmacien responsable, qui n’est pas un businessman, est confronté à sa direction (même si théoriquement il est au moins numéro 2) et ses décisions déontologiques et de prudence bien légitimes en matière de sécurité sanitaire ne plaisent pas toujours.

Vous cherchez un job sans pression ? oubliez celui de pharmacien responsable meme si c’est un des plus beaux métiers du monde..

 

Ces derniers temps l’agence du médicament (ANSM) s’est émue, du manque de transparence des entreprises pharmaceutiques sur des problématiques très industrielles de production et qui auraient du remonter lui remonter en sa qualité d’autorité de santé. Mécanisme normal. Pas de quoi faire la une de Mediapart ou Rue89, c’est juste la procédure.

Ce manque de transparence s’expliquerait en réalité par la forte pression du « Corporate » de ne pas vouloir laisser le pharmacien responsable aussi libre de ses décisions qu’il le souhaiterait.

Ainsi, on voit apparaitre une frustration des pharmaciens responsables, voir un grondement de certains dans les entreprises, et les lanceurs d’alertes dont le statut est encore assez mal défini (en terme de protection) sont à ce jour, dans l’industrie pharmaceutique, des personnes de l’entreprise.

 

L’ANSM en a bien conscience et vient d’adresser un courrier cosigné avec l’ordre des pharmaciens (CNOP section B et C )à l’ensemble des « présidents directeurs et directeurs généraux des entreprises pharmaceutiques, pharmaciens responsables et directeurs de directions juridiques » rappelant la position du pharmacien responsable au sein de l’entreprise.

C’est, à ma connaissance une première Ainsi le pharmacien responsable :

 « doit-il pouvoir prendre de manière indépendante toute décision relative aux produits et aux activités pharmaceutiques de l’entreprise, conformément aux dispositions du CSP et des Bonnes Pratiques en vigueur, dans le respect de l’éthique et de la Déontologie, cela dans l’intérêt de la santé publique et des patients.

 Le Pharmacien responsable est l’ultime décideur sur le territoire national […] »

 

Ceci fait suite à des demandes d’engagement aux  directions générales des grands ou moins grands groupes de laisser les pharmaciens responsables francais (qui ne sont pas des Qualified Persons) faire leur travail en toute indépendance… Mais ces engagements n’ont pas de réelle valeur juridique, c’est plus politique… c’est bien le pharmacien responsable qui est personnellement responsable de ses missions pharmaceutiques, tant civilement que pénalement et peut-être poursuivi à titre disciplinaire.

Comme dit la formule ancienne du Conseil d’Etat (sous l’Ancien régime) « A ce que nul n’en ignore »

 

[1] FCPA 1977 aux US