Jérôme Cahuzac, princeps ou générique ?


Voter des lois sur la Transparence ou élaborer des code d’éthique n’engagent que ceux qui les votent (en toute conviction), les adoptent (pour eux-même), les acceptent ou les ont intégrés dans une sorte de vertu morale innée.

Ainsi revient sur la scène les mensonges de Jérôme Cahuzac, qui, les yeux dans les yeux, n’a jamais menti ni à ses amis, ni aux français. On remarquera ici une formidable solidarité dans l’adversité que peu de couples sont capables de démontrer et les Cahuzac rejoignent avec brio à ce stade  le cercle restreint des unis jusqu’à la mort comme les Balkany, les Tibéri, ou encore les Ceausescu.

Je ne peux m’empêcher de lire, avec un petit sourire que d’aucuns devinent derrière mon écran, les financements possibles ou probables de Jérôme Cahuzac, ex personnage tout puissant sur les prix des médicaments dans un temps ou le CEPS n’existait pas.

Alors que des laboratoires pharmaceutiques aient financé les campagnes des uns ou des autres, cela s’est toujours fait. En France mais aussi aux Etats-unis (ou c’est beaucoup plus transparent car en général ils financent à la fois le camp démocrate et le camp républicain pour être sur de dire au futur président qu’ils l’ont soutenu).

Entendons nous bien…cela s’est fait en France à un moment où cela n’était pas interdit (souvenez vous des députés votant leur propre immunité pour le passé, un des seuls textes votés à droite comme à gauche..) et toutes les industries l’ont fait car c’était une règle (Energie, armement, transports…liste non exhaustive)

Aujourd’hui nous sommes un pays beaucoup plus transparent, c’est à dire plus que translucide et  personne ne s’étonne de voir 17 ronds points neufs dans certaines zones industrielles…vides..

Alors je cherchais le titre d’une fable de La Fontaine pour illustrer ce que le mémoire humaine retient, mais pas suffisamment internet.

En 1999 j’étais en charge de la propriété industrielle dans un organisme très représentatif de l’industrie du médicament lorsque lors des débats sur le PLFSS 2000 … un amendement a été sorti par un certain Jérôme Cahuzac et qui tendait ni plus ni moins à favoriser l’arrivée des génériques sur le marché et donc faire une très mauvaise blague aux laboratoires.

l’article 31 de la Loi de financement de la sécurité sociale prévoyait que

 l’autorisation de mise sur le marché d’une spécialité générique peut être délivrée avant l’expiration des droits de propriété intellectuelle qui s’attachent à la spécialité de référence ; que, toutefois, la commercialisation de la spécialité générique ne pourra intervenir qu’après l’expiration de ces droits, l’information du laboratoire titulaire du brevet de la spécialité de référence devant en outre être assurée ; qu’en vertu du quatrième alinéa de l’article 31, les études de biodisponibilité tendant à démontrer la bioéquivalence d’une spécialité générique avec une spécialité de référence  » sont considérées comme des actes accomplis à titre expérimental au sens de l’article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle « 

Cet amendement, adopté, a fait l’objet dans les milieux spécialisés d’une bombe.

Pour faire simple, on considérait jusque là que les génériqueurs ne pouvaient soumettre une demande d’AMM qu’à l’expiration du brevet et du Certificat complémentaire de protection – principe classique du code de la propriété intellectuelle.

Las, désormais, il était possible de déposer un dossier, obtenir l’AMM et donc à l’expiration à minuit du brevet, faire entrer les génériques sur le territoire français (la fabrication étant, avant cette échéance classiquement au sens de la propriét industrielle considéré comme de la contrefaçon).

Evidemment, nous avons rétorqué, réagi, sorti des chiffres sur l’emploi et l’export… rien n’y a fait.

Voilà. Même si le Conseil Constitutionnel a supprimé la dernière phrase au motif que cela était un cavalier, M. Cahuzac a causé grand tort aux laboratoires pharmaceutiques.mc3a9dicaments-gc3a9nc3a9riques-olivero

Après cela a été la porte ouverte à la réduction de la protection des données d’AMM consacrée par la révision de la législation pharmaceutique etc… le droit de substitution, la prescription en DCI etc…et des exceptions à tous les principes de la propriété industrielle uniquement dans le secteur du médicament.. pour faire des économies à la sécu.

Voilà.. une morale à cette histoire ?  quand on commence à donner…il ne faut plus s’arrêter.

Ou Monsieur Cahuzac s’est servi partout mais ni Michel Rocard n’a vu la couleur du moindre sou, ni les laboratoires n’ont eu ce qu’ils voulaient.. seul le couple aura bien vécu…

 

 

 

 

 

 

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Perte de brevets pour l’industrie pharmaceutique


United States Patent and Trademark Office seal

Image via Wikipedia

Selon une étude de l’agence de notation Fitch Ratings publiée mardi (Source : AFP) , les groupes pharmaceutiques américains Bristol-Myers Squibb (BMS), Eli Lilly, Amgen et Pfizer sont les laboratoires les plus exposés aux pertes de brevets qui vont toucher le secteur entre 2010 et 2012.

Ainsi, d’après les calculs de l’agence, les médicaments représentant 39,5% du chiffre d’affaires 2009 de BMS devraient perdre leur brevet entre 2010 et 2012. Une proportion qui atteint 33,5% pour Eli Lilly, 33,4% pour Amgen et 32,3% pour Pfizer.
Derrière ces quatre groupes, les laboratoires suivants présentent une proportion de ventes exposée à ce risque nettement moindre: elle atteint 14,1% pour Merck, 12,5% pour GlaxoSmithKline (GSK), 11,1% pour AstraZeneca ou 9,8% pour Sanofi-Aventis.

Etant assez spécialisé en propriété industrielle, j’ai toujours été surpris de voir la surprise générée par l’expriationd ‘un brevet et la « chute’ dans le domaine publique d’une invention.

Loin de réexpliquer ici le mécanisme des brevets, ceux-ci sont accordés pour une durée de 20 années (cf accords ADPIC ou TRIPS en anglais). Dans certains cas comme dans la pharmacie, le développement entre le dépôt du brevet (l’invention) et la mise au point du produit prend beaucoup plus de temps (8 à 12 ans avec les études de phase I, II et III et le délai d’accès au marché -AMM, remboursement etc..) que pour un produit d’éléctronique pur ou de mécanique. On comprendra ainis d’autant mieux lorsque les brevets ont été mis à mal lors de Doha (OMC) que l’industrie pharmaceutique s’est arcboutée sur une protection de 20 années maintenue…

J’ai eu ces discussions au MEDEF. 20 années sont trés longues pour certains produits et les constructeurs de certains téléphones portables et autres matériaux n’ont pas besoin de cette durée de protection puisque leurs produits ont largement commercialisés depuis, amortis et ont généré des bénéfices…voire devenus obsolètes.

En matière de médicament, la France, puis la Communauté Européenne (devenue entre-temps UE) ont adopté un système dit de Certificat Complémentaire de Protection (CCP) dont le principe revient par un calcul assez simple à compenser en partie la perte de temps nécessaire à la mise au point du produit.

Mais dans tous les cas, les brevets sont publiés, auprés de l’INPI en France, de l’Office Européen des Brevets, de l’office américain etc.

Voire même l’expiration des brevets, pour faire court d’un médicament est accessible sur le site de la FDA américaine sur un « orange book » qui permet de savoir pour un génériqueur à partir de quand il peut lancer la production du générique.

Toutes ces données sont publiques. Je me suis toujours, donc, étonné, de même que les services chargés de la propriété industrielle des entreprises de voir que les dirigeants, les agences de notations découvraient avec une anticipation extraordinaire de quelques mois la chute dans le domaine publique d’un blockbuster……

Non seulement ces données sont connues mais devraient être mieux anticipées en terme de communication pour éviter que les agences de notation s’agitent et bouleversent ainsi des cours de bourses du jour au lendemain…

le lecteur l’aura compris :

  • les agences de notation n’ont pas à faire la pluie et le beau temps….d’autant plus qu’elles sont dans le collimateur de la SEC et d’autres autorités de régulation…
  • les entreprises n’anticipent pas assez la chute des brevets et CCP connus….des années auparavant même si parfois la question se complique quand un médicament est protegé par divers brevets..mais les services internes ou les conseils en propriété intellectuelle savent très bien ce qu’il en est (les concurrents aussi)
  • il ne faut pas se focaliser sur la perte de brevets mais affecter des sommes à la R&D même si on ne sort pas un produit nouveau à échéance régulière. la recherche à ses aléas….et je suis personnellement pour la R&D plus que pour la croissance externe..mais c’est un avis personnel…
  • enfin…d’une manière générale..même s’il est nécessaire de lever des fonds pour développer un médicament (coûts faramineux) le système de cotation génère des obligations de communication de résultats trimestriels (nécessairement en hausse…quel qu’en soit le prix humain ou en terme de départements) qui sont pas facilement compatible avec le développement d’un produit sur 8 ou 10 ans…et qui, même très prometteur sera arrêté en fin de phase III comme cela s’est déjà vu…

Complexe pour certains,  mais oh combien passionnant la propriété industrielle…!

Pour exemple : l’Orange book américain sur le site de la FDA

 

 

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