l’actualité très récente de cette semaine a abordé la question de la « pénurie » de médicaments dans les officines, certains titres abordant même des « pénuries savamment orchestrées ».
Il est coutume de puis des années, et cela va grandissant, lorsque l’on parle médicament de mettre au pilori les laboratoires pharmaceutiques.
En réalité, quand bien même M. Xavier BERTRAND – dans la lignée de l’ensemble de ses prédécesseurs – fustige les laboratoires pharmaceutiques, il s’agît bien en France, de comprendre que, à part ce que l’on entend pas des ventes directes: la plupart des médicaments sont achetées par des répartiteurs. dit aussi des grossistes répartiteurs. ceux-ci sont habilités à distribuer les médicaments dans les officines et achètent auprès des laboratoires. En réalité ce sont eux qui, bénéficiant d’un statut particulier qui assurent le bon cheminement de la chaine pharmaceutique et d’une certaine manière assure en partie (d’autres le fond aussi) la gestion des stocks.
Pour ceux d’entre vous qui commandent des médicaments dans une pharmacie, vous avez été confrontés à la réponse du pharmacien vous indiquant que le médicament sera disponible dans l’après midi. En réalité, il passe commande immédiate auprès de son grossiste répartiteur qui lui livre, selon les villes et les régions une à 3 fois par jour (cf les camionnettes « urgent médicaments » je ne cite pas de marques.
Il s’avère que les grossistes répartiteurs achètent les médicaments sortant d’usine auprès des laboratoires. Il leur est libre, selon le droit européen d’approvisionner en totalité le marché français, mais également, selon plusieurs arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes, d’autres pays (importations parallèles, via le reconditionnement voire les appositions de stickers contreversées – un autre débat!)
Comme en France, le système de fixation des prix des médicaments (autre débat) fait que le prix moyen est inférieur à beaucoup d’autres pays des grossistes ont trouvé que l’intérêt était de vendre non plus localement mais directement sur des marchés étrangers.
Logique de marché. Mais néanmoins les grossistes répartiteurs revendiquent aussi une mission de service public. Certaines officines se trouvent donc en pénuries de médicaments car les médicaments achétés direment auprés du laboratoire sont partis au Royaune-Uni.
Pendant quelques temps ce sont évidemment les laboratoires pharmaceutiques qui ont été mis en cause pour des raisons également financières (prix de transfert etc..) mais en réalité ce sont bien les grossistes qui ont détourné en quelque sorte leurs stocks pour des marchés étrangers.
Un laboratoire a été mis en cause par la Commission européenne au motif qu’un médicament n’était plus présent sur le marché espagnol et les services de la commission ont diligenté une enquête (sévère) sur la base juridique d’une entente (droit de la concurrence).
Par un arrêt du 6 août 2004 ( affaires jointes C-2/01 P et C-3/01 P) , la CJCE a disculpé les laboratoires BAYER de toute entrave à la concurrence, entente et collusion avec les grossistes espagnols qui exportaient tous leurs achats vers le Royaune-Uni.
pour comprendre la question, rien ne vaut le rappel des faits issu de l’arrêt de la Cour précité :
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1-La requérante, Bayer AG (ci-après ‘Bayer’ ou le ‘groupe Bayer’), est la société mère d’un des principaux groupes chimiques et pharmaceutiques européens et est présente dans tous les États membres de la Communauté par la voie de ses filiales nationales. Elle produit et commercialise depuis de nombreuses années, sous la marque ‘Adalat’ ou ‘Adalate’», une gamme de médicaments dont le principe actif est la nifédipine, destinée à soigner des maladies cardio-vasculaires.
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- Dans la plupart des États membres, le prix de l’Adalat est, directement ou indirectement, fixé par les autorités sanitaires nationales. De 1989 à 1993, les prix fixés par les services de santé espagnols et français étaient, en moyenne, inférieurs de 40 % à ceux appliqués au Royaume-Uni.
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- En raison de ces différences de prix, des grossistes établis en Espagne ont, dès 1989, entrepris l’exportation d’Adalat vers le Royaume-Uni. À partir de 1991, ils ont été suivis sur cette voie par des grossistes établis en France. D’après [Bayer], de 1989 à 1993, les ventes d’Adalat effectuées par sa filiale britannique, Bayer UK, auraient baissé de presque la moitié en raison des importations parallèles, emportant ainsi une perte de chiffres d’affaires de 230 millions de marks allemands (DEM) pour la filiale britannique, ce qui aurait représenté pour Bayer une perte de recettes de 100 millions de DEM.
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Face à cette situation, le groupe Bayer a changé sa politique de livraison et a commencé à ne plus honorer l’intégralité des commandes, de plus en plus importantes, passées par les grossistes établis en Espagne et en France auprès de ses filiales espagnole et française. Cette modification a eu lieu en 1989 pour les commandes reçues par Bayer Espagne et au quatrième trimestre de 1991 pour celles reçues par Bayer France.»
Ce court pour vous expliquer sommairement, pour ceux qui n’y sont pas familiarisé que dans ce milieu, comme dans tant d’autres.. rien n’est simple et que les coupables ne sont pas toujours les mêmes. Quand bien ils peuvent avoir des torts par ailleurs.
En pratique les laboratoires connaissent très bien les besoins du marché national. Pour ne pas faire entrave à la libre circulation des biens ils appliquent un quota supérieur (aux besoins de ) à leurs grossistes nationaux (environ 10%) mais évidemment, il ne sert à rien d’avoir des filiales à l’étranger dès lors que tout viendrait du site de production le plus bas du marché commun, pardon, de l’Europe.
Voir aussi sur le site de la CJCE :
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